Pieter VAN REENEN, coll. Margôt VAN MULKEN et Evert WATTEL, Chartes de Champagne en français conservées aux Archives de l’Aube, 1270-1300, -283 p.
Cette édition de chartes champenoises fait suite à celle des documents antérieurs à 1271, qu’a préparée D. Coq (1988), dans la série française des Documents linguistiques de la France (dir. J. Monfrin). Elle comble un manque dans le corpus constitué par A. Dees et P.V.R. pour étudier l’ancien français1.
Le volume est subdivisé comme suit : introduction [V-XII], édition [1-172], table des noms de personnes et de lieux [173-209], glossaire [211-271], table des documents par fonds [273-275], bibliographie [277-278] et plan de Troyes au XIIIe s. [279-281].
L’introduction est maigre. P.V.R. y aborde les raisons qui l’ont poussé à éditer ces documents et la continuité de son travail par rapport à celui de D. Coq. P.V.R. se dispense ainsi de fournir une introduction complète et renvoie au travail de D. Coq concernant le cadre historique. Pour l’étude linguistique P.V.R. renvoie à la thèse de Y. Kawaguchi2. L’exploitation historique des matériaux est peu développée. Les analyses sont satisfaisantes et comprennent systématiquement les mentions des auteurs et des scelleurs en cas de juridiction gracieuse, ce qui sera utile aux historiens.
La transcription est « diplomatique ». Les abréviations sont résolues (et marquées par l’italique) et ‹ſ› est assimilée à ‹s›, mais la modernisation des oppositions entre ‹i› et ‹j› ou ‹u› et ‹v› n’est pas effectuée et aucun accent n’est ajouté. Selon P.V.R., la ponctuation n’est pas modernisée et l’édition conserve les signes originaux. Ces choix rendent le texte peu lisible pour qui n’a pas l’habitude de pratiquer les manuscrits, mais ont l’avantage de donner à lire un texte plus authentique. La transcription n’est cependant pas toujours fiable. P.V.R. fournit la photographie du premier document, ce qui permet de mettre à l’épreuve son travail et révèle que la transcription de la ponctuation est peu rigoureuse : plusieurs signes originaux manquent ou sont ajoutés. Les textes sont cependant bien présentés et pourvus de deux séries de notes – formes que l’É. a jugées « irrégulières » (marquées par sic) d’une part et notes explicatives d’autre part.
Toutes les occurrences de chaque mot ont été relevées, mais le glossaire est difficilement utilisable. On s’étonnera tout d’abord de n’y trouver aucune référence aux dictionnaires traitant de l’ancien français (au moins Gdf, TL, FEW et DEAF). Nous ne prendrons qu’un seul exemple, qui montre comment une mauvaise lecture peut se conjuguer à une mauvaise pratique glossairistique, l’article afie : 1) il s’agit d’une mauvaise lecture pour asie ; 2) l’entrée n’est pas à l’infinitif alors qu’il s’agit d’un verbe ; 3) la « traduction » ne l’est pas non plus, ce qui la rend non substituable (elle est contextuelle, suivant une mauvaise compréhension du texte). Enfin, le recours à des traductions plutôt qu’à des définitions des unités linguistiques est peu satisfaisant. L’agencement des entrées est par ailleurs perturbé. Ainsi, les verbes employés à des temps composés sont rangés dans une entrée dont la forme correspond au participe passé. Comme aucun accent n’a été ajouté, les mots sont difficilement reconnaissables sans contexte. D’autre part, comme la distinction entre ‹i› et ‹j› n’a pas été modernisée, on trouve ainsi le mot justice sous i puisqu’il est graphié ‹iustice›.
L’intérêt des tables de noms propres est diminué par l’absence de transcription des mentions dorsales, qui constituent un précieux adjuvant à leur identification.
En conclusion, cette édition des chartes de Champagne doit être manipulée avec prudence et ne devrait pas servir à des analyses automatisées, bien que l’édition soit accessible en ligne à l’adresse http://www.uni-stuttgart.de/lingrom/stein/ corpus/ (au 26/07/07).

Nicolas MAZZIOTTA

1. Voir A. DEES, Atlas des formes et des constructions des chartes franç aises du 13e s., Tübingen, 1980.
2. Recherches linguistiques sur le champenois méridional au Moyen Âge, Lille, 2002.