Réunissant des œuvres de 96 poètes (sur environ 400 troubadours répertoriés), cette édition bilingue (occitane et traduction française) de 143 textes est un véritable trésor, avec un remarquable avant-propos de présentation d'une trentaine de pages: «un territoire, une langue, une poésie, un nouveau rapport entre les hommes». Si la langue d'oïl a triomphé et si le francien nous a donné le français pour des raisons politiques, c'est bien en langue d'oc « que naît la première poésie du temps en Europe », à la fin du XII siècle.

   C'est avec elle que naît aussi une « éthique de l'amour », « un rapport nouveau entre les hommes et les femmes », « un véritable humanisme qui dépasse la relation amoureuse pour devenir une exigence universelle ». On n'a que l'embarras du choix dans ce beau livre. Par exemple cette frohairitz (troubadouresse), comtesse de Die, au XIIe siècle, une de nos premières femmes poètes.

 

Estat ai en grand consirièr
Bèls amics, avinents e bo (n) s,
Qyora-os tenrat en mon poder,
E que jagués ab vos un ser,
E que-os dès un bais amorós,
Sachatz grand talent n'auria
Que-os tengués en lóc del marit,
Ab ço qu'aguéssetz plevit
De far tot çó qu'ieu volria.

         Comtessa de Dia

Bel civil, gracieux et bon,
Si je vous tenais en mon pouvoir,
Que je fusse couchée un soir avec vous,
Et que je vous donne un baiser d'amour,
Sachez que j'aurai grande envie
De vous tenir embrassé au lieu de mon mari,
Pourvu seulement que vous m'ayez promis
De faire tout ce que je voudrai.