Jean DUFOURNET, Le théâtre arrageois au XIIIe siècle, Orléans, Paradigme, 2008 ; 1 vol. in-8o, 197 p.
La collection Medievalia des éditions Paradigme a saisi l’occasion des concours de l’agrégation en 2009 pour proposer une réunion fort bien venue d’articles rédigés par l’A. sur le théâtre arrageois au XIIIe siècle. On sait que l’A. a abondamment défriché ce champ de recherche et que c’est en grande partie grâce à lui que les études théâtrales sont devenues aujourd’hui l’un des axes les plus dynamiques de la recherche médiévistique française. Ce recueil rassemble neuf articles, parus de 1980 à 2005 et trois comptes rendus. Le lecteur peut ainsi prendre la mesure d’un travail de vingt cinq années, égrenant de nombreux articles fondateurs dont les plus importants sont ici donnés à lire et à relire. L’A. a consacré au Jeu de la Feuillée des études de grande ampleur, parues sous forme d’ouvrages1, qui viennent d’être également réédités en 2008. La présente collection d’articles n’aborde donc pas directement le Jeu de la Feuillée, bien que de nombreuses allusions soient faites à ce texte dans les articles présentés.
Après une présentation des jeux de Jean Bodel et Adam de la Halle issue du Dictionnaire des oeuvres littéraires en français (1994) qui ouvre opportunément l’ensemble, le recueil s’articule autour de trois grands textes dramatiques arrageois de cette période : Le Jeu de saint Nicolas de Jean Bodel, Courtois d’Arras et le Jeu de Robin et Marion d’Adam. Une étude générale en deux parties (Le théâtre arrageois au XIIIe siècle, premières remarques, paru en 2001 et Secondes remarques, 2005) ouvre l’ensemble. Il s’agit de la publication la plus récente de l’A. sur le sujet. Cette étude présente les lignes de force de la lecture de l’A. : le tissage intertextuel qui fait de cette écriture théâtrale un lieu de carrefour et d’expérimentation des traditions littéraires contemporaines ; l’économie du dialogue et la structure du personnel dramatique dans les jeux, reposant sur des reprises dynamiques comme le trio ou le dédoublement ; enfin l’invention d’un espace scénique complexe.
Les trois études suivantes éclairent le fonctionnement de ces trois points – écriture intertextuelle, structuration des jeux, problème des espaces – en s’appuyant particulièrement sur le Jeu de saint Nicolas. Il s’agit de l’article Du double à l’unité : les Sarrasins dans le Jeu de saint Nicolas, paru en 1993, dont on sait qu’il a marqué une importante étape dans l’analyse de l’altérité et de sa représentation chez Jean Bodel. Il est suivi de deux études plus générales, mais où ce jeu occupe une place importante : La ville et la campagne dans le théâtre arrageois du XIIIe siècle (1992) et La taverne dans le théâtre arrageois du XIIIe siècle (1989). Le Jeu de saint Nicolas y prend son sens en particulier face à Courtois d’Arras, soulignant la surprenante homogénéité culturelle du jeu arrageois.
C’est à Courtois d’Arras, jalon majeur du théâtre du XIIIe siècle entre Jean Bodel et Adam de la Halle, que sont ensuite consacrés deux articles. Ce sont deux publications majeures qui questionnent la notion d’héritage et montrent, encore une fois, la dimension de récriture inhérente au jeu dramatique : Courtois d’Arras ou le triple héritage (1991) et Les jeux de l’intertextualité dans Courtois d’Arras (2000).
Fidèle à cette logique thématique, le dernier jeu étudié ici, Robin et Marion, fait l’objet de deux analyses. Complexité et ambiguïté du Jeu de Robin et Marion (1980) a 1. Adam de la Halle à la recherche de lui-même, Paris, 1974 ; Sur le Jeu de la feuillée. Études complémentaires, Paris, 1977. été un travail essentiel dans la redécouverte de ce jeu par les critiques littéraires. La bibliographie la plus récente de Robin et Marion s’est construite à partir de ce point de départ, complété par L’intertextualité de Robin et Marion (1999). Il reste encore beaucoup à faire et il faut espérer que la relecture de ces articles soit l’occasion de nouveaux travaux. Les trois comptes rendus proposés en fin de recueil illustrent d’ailleurs la postérité critique des analyses de l’A., à travers les ouvrages de J. Blanchard sur la pastorale, de R. Berger sur la société arrageoise qui a donné naissance au théâtre, de T. Revol sur la dimension sacrée dans le jeu dramatique.
Estelle DOUDET