Pascale DUMONT, L’espace et le temps dans la dramaturgie médiévale française,
Orléans, Paradigme, 2010 ; 1 vol. in-8o, 309 p. (Medievalia, 73). ISBN : 978-2-86878-283-0. M73 Prix : € 29,00.
Dans cet ouvrage qui est une version amplifiée et élargie de sa thèse de doctorat, soutenue en 1997 à l’Université d’Anvers, P. Dumont entreprend d’étudier le traitement de l’espace et du temps dans le théâtre du Moyen Âge à travers un corpus d’œuvres représentatif de la production dramatique depuis le XIIe jusqu’à la fin du XVe siècle. Elle cherche ainsi à démontrer l’existence d’une dramaturgie proprement médiévale, en dépit du vide théorique qui caractérise le Moyen Âge dans ce domaine. L’A. commence par contextualiser l’objet de son étude et postule que l’évolution de la conception du temps et de l’espace au Moyen Âge explique en partie leur traitement dans le théâtre, dont une spécificité se trouve justement dans l’écart constaté entre la durée de l’action représentée et la durée de représentation de l’action.
Le lecteur est alors invité à suivre dans leur développement les travaux de l’A., dont l’intention est « d’aboutir à la description cumulative des tendances dramaturgiques médiévales » (p. 148). Les chap. 4, 5 et 6 sont consacrés à l’analyse de la transformation des données spatiales et temporelles lors de la dramatisation du texte-source. Sont étudiés successivement le Jeu d’Adam, le Miracle de Théophile et la Passion du Palatinus. De l’analyse de la technique dramatique de chaque fatiste, l’A. tire les éléments, convergents ou non, qui témoignent « d’un travail conscient à l’égard d’une matière préexistante » (p. 72). Dans le chap. 7 qui sert de conclusion à cette première partie, elle établit la liste des composantes potentielles d’un texte dramatique qu’elle met en relation avec leur incidence spatiale et temporelle.
Dans la seconde partie que forment les chap. 8, 9 et 10, l’A. étudie les différences de traitement du temps et de l’espace dans trois corpus envisagés dans une perspective chronologique. Le premier est consacré à la tradition des Miracles de saint Nicolas. On aurait pu y ajouter le texte joué à Avignon vers 1470 et édité par P. Aebischer1. Le second corpus regroupe trois dramatisations de la Nativité et le troisième, trois pièces relatant la Passion et la Résurrection. Ce dernier thème est vaste. Peut-être eût-il été plus pertinent d’envisager seulement les mises en scène de la Résurrection et d’étudier à côté de la Passion de Sainte-Geneviève le Mystère de la Résurrection, conservé dans le même ms.
Les trois derniers chapitres récapitulent de façon synthétique les commentaires effectués au gré des précédents chapitres. Au chap. 11, les premières conclusions établies par l’A. portent sur le traitement des sources par le fatiste pour le repérage spatial et temporel de la pièce : « la ligne de démarcation principale semble […] se situer entre les sujets bibliques et les sujets hagiographiques » (p. 211). Au chap. 12 est abordée la question de l’agencement des épisodes et de leur encadrement par les prologues, les épilogues et divers types d’intermèdes. Enfin, le chap. 13 s’intéresse à la fonction de plusieurs conventions verbales et non verbales pour le traitement du temps et de l’espace : les monologues, les chants, les écriteaux, etc.
Consciente du travail à accomplir, l’A. assume des choix méthodologiques qui paraissent fondés pour une approche globale de la question. Mais il faudra sans doute revenir ultérieurement sur le fait de traiter « les textes indépendamment de leurs illustrations éventuelles » (p. 28) et de ne pas tenir compte de « leur destination initiale » (p. 30), car on ne peut écarter d’emblée l’idée que le traitement du temps et de l’espace varie selon que le texte est composé ou copié pour être joué, lu ou seulement conservé.
Notons encore que, consacrée au traitement des données spatiales et temporelles, cette étude ne porte pas à proprement parler sur la fonction structurelle et poétique du temps et de l’espace dans la dramaturgie médiévale. Par exemple, la question des expressions de rapidité et d’empressement a bien été traitée et l’A. voit dans leur emploi « un effet d’exhaustivité » (p. 226), mais ces tournures sont également constitutives du rythme de la pièce et, à ce titre, elles mériteraient d’être évaluées en relation avec la versification, l’occupation de l’espace scénique et la répartition des
pauses (musicales ou non), etc.
En conclusion, l’ouvrage de l’A. contribuera sûrement à une meilleure compréhension de la dramaturgie au Moyen Âge et les quelques observations que nous avons pu formuler, sans diminuer les qualités de ces travaux, témoignent d’abord de leur caractère très stimulant.

Xavier LEROUX

1. Annales d’Avignon et du Comtat Venaissin, t. 18, 1932, p. 5–40.